L'HOMOCYSTÉINE ET LE CYCLE DE LA MÉTHYLATION: PATHOLOGIES LIÉES

Par Oscar bvba sur August 18, 2023
La méthylation est un processus peu connu mais essentiel car, sans elle, impossible de rester en bonne santé. La méthylation est une modification chimique consistant en l’ajout d’un groupe méthyl (CH3) sur un substrat, sous contrôle enzymatique. Les réactions de méthylation interviennent dans de nombreux processus biologiques, eux-mêmes dépendants d’un environnement nutritionnel adéquat. Les conséquences d’une méthylation altérée peuvent être importantes et influencer de nombreuses pathologies.

 

Le cycle du S-AMe

 

La méthylation est le transfert d’un groupement méthyl (-CH3) à une autre molécule à partir d’un groupe donneur et via l’enzyme appelée méthyltransférase. Tout commence par la méthionine, qui réagit avec l’ATP et de ce fait déstabilise la liaison souffre de la méthionine en formant le S-AMe (S-adénosyl-méthionine) qui est un donneur de groupement méthyl. En libérant son groupement méthyl, il devient le S-adénosylhomocystéine (S-AH), qui lui-même se transformera en homocystéine, elle-même retransformée en méthionine, à condition d’avoir assez de vitamines B12, B9 et B2, qui sont des co-facteurs de la méthionine-synthase et un ‘non’ déficit en MTHFR (méthylène-tétrahydrofolate réductase). L’homocystéine est toxique si non reconvertie. Elle peut également, via la vitamine B6, passer par la voie de la formation de la cystéine (voie de la trans-sulfuration). La méthylation concerne aussi bien les acides aminés, les protéines (essentielles à la communication entre les cellules par l’activation des récepteurs membranaires), les lipides (la biosynthèse des lécithines, sphingolipides à partir de phosphatidyl- éthanolamines), l’ADN (régulation génique).
En conclusion, ce cycle doit tourner en permanence et ne pas se bloquer. Nous ne savons malheureusement pas à ce jour mesurer la méthylation mais bien un composé de ce cycle, à savoir, l’homocystéine. Si elle est augmentée (hyperhomocystéine), cela signifie blocage du cycle, ce qui entraîne un déficit de méthylation. L’homocystéine s’oxyde vite et est toxique, surtout pour le cerveau et le système cardiovasculaire (infarctus et AVC). 

 

Les perturbateurs du cycle de la méthylation

 

Un dosage sanguin d’homocystéine permet une approche de prédiction du risque de certaines maladies. La mesure des folates érythrocytaires et d’une vitamine B12 active (méthylcobalamine) est conseillée car elle permet un meilleur reflet de la réalité. Dans le cas où ces 2 taux seraient normaux, il faut soupçonner un déficit en 5-MTHFR. La prévention via les nutriments (tels que vitamines B9, B12, B6, B2) devient alors primordiale. Une fois de plus, le dicton «l’alimentation est notre première médecine» prend tout son sens.
Aliments riches en ces vitamines
En méthyl Le quinoa, les betteraves (bétaïne), les végétaux vert foncé, les épinards, les brocolis, les jaunes d’œuf, l’agneau et le poulet. En folates Légumes verts à feuilles, les céréales complètes, la levure de bière, le foie de morue, le foie de veau (55,7%), de volaille, les légumineuses, les haricots (4%), le chou (6%), la laitue (2,9%), les noix, les poissons, les jaunes d’œufs (72,2%). Les aliments soufrés L’ail, l’oignon, les crucifères, les jaunes d’œuf, le poisson.

 

Déficiences & origines

 

Déficience en folates (B9) Les folates sont très vite dégradés lors d’une cuisson à trop haute température. L’absorption se fait surtout via le jéjunum (attention aux malabsorptions). Ils seront surconsommés par notre organisme, par exemple en cas de cancer, grossesse, hémolyse, etc. Certains médicaments comme les anticonvulsifs diminuent leur absorption et seraient également facilitateurs de cas de spina bifida, de problèmes cardiovasculaires, de fente labiale ou encore de problèmes du tractus urinaire. À noter que l’anémie n’est pas toujours due au déficit en fer mais peut aussi être causée par un déficit de méthylation par carence en acide folique. Déficience en méthylcobalamine (B12 active) Les personnes ne mangeant pas de viande ont davantage de risques de déficience. Les besoins journaliers sont de 1 à 2µg/ jour. Une supplémentation à 1.000µg de forme active (soit 40.000% de l’apport de référence) serait idéale.
Il faut savoir que la supplémentation par de la cyanocobalamine, forme non active de la vitamine B12, ne présente aucun intérêt. La capacité d’assimilation via le facteur intrinsèque est limitée à 2µg par repas au niveau de l’iléon. Il existe aussi une absorption de 2% par diffusion passive. Donc si on apporte 1.000µg, on absorbe 3µg par le facteur intrinsèque iléal et 10µg par diffusion passive donc au total environ 13µg/jour. La méthylcobalamine est une vitamine «antidouleur» de par son effet sur la disponibilité et l’efficacité de la noradrénaline et de la 5-hydroxytryptamine dans le système inhibiteur nociceptif descendant. 

 

Déficience en B2

 

Elle est rare, sauf chez l’alcoolique chronique (dans ce cas nous aurons également un déficit en B9 et B12 par intestin poreux). La vitamine B2 (bétaïne). Lors de la méthylation de l’homocystéine en méthionine, elle est convertie en sérine (via la glycine). Cette sérine traverse facilement la membrane mitochondriale vers le cytosol pour être transformée en glycine. La sérine et la glycine sont des donneurs de groupes méthyl aussi bien dans le cytosol que dans les mitochondries et peuvent transférer leurs groupes méthyl vers le THF (tétrahydrofolate) en formant du MTHF (méthyl-tétrahydrofolate) et récupérer d’une façon irréversible de la méthionine à partir de l’homocystéine. La bétaïne réduit donc les taux d’homocystéine et élève ceux de SAMe. À savoir, que le zinc est un oligo-élément nécessaire pour la transformation de la bétaïne en diméthyl-glycine.

 

Déficience en MTHFR

 

L’origine est d’ordre génétique, nous y reviendrons plus loin.

 

Découverte de l'homocystéine

 

En 1954, L. Pilgeram avait déjà évoqué la relation entre la méthylation et l’athérosclérose. En 1964, S.H. Mudd et al. découvrent le déficit de MTHFR. En 1969, K. McCully met en évidence la relation entre pathologie cardiovasculaire et athérosclérose. En 1976, D. Wilcken et B. Wilcken démontrent la relation possible entre maladies cardiovasculaires et taux d’homocystéine. En 1992, M.J. Stampfer et al. montrent la relation entre homocystéine élévée et problèmes d’infarctus du myocarde. Depuis, nous comptons plus de 26.207 publications sur le rôle de l’homocystéine.

 

Homocystéine : quels taux, quels risques?

 

Les études s’accumulent et associent des taux supérieurs à 8µmol/L aux décès dus à des maladies cardiovasculaires (risque multiplié par 7 pour un taux entre 8-14, risque x10 si le taux est supérieur à 14).

 

Effets de l'hyperhomocystéinémie sur différents organes

 

Au niveau cardiaque

 

  • La méthylation affecte la contraction du muscle (via la L-carnitine et créatine: voir plus loin).
  • Elle provoque des «micro» traumas au niveau de la paroi des vaisseaux et donc serait un des facteurs d’initiation à la formation de la plaque d’athéromatose et donc des AVC.
  • Elle provoque un stress oxydatif vasculaire.
  • Elle est toxique pour la pompe NaKTPase. Une méthylation correcte est importante pour la performance mitochondriale (via la formation de Co Q10). 

 

Au niveau du cerveau

 

  • Elle est neurotoxique.
  • Elle provoque l’apoptose des cellules neuronales.
  • Elle stimule la formation des plaques béta-amyloïde (Alzheimer). 

 

La méthylation

 

  • Elle participe à la formation de la phosphatidylcholine, utile pour prévenir la démence. Elle permet aussi de maintenir une flexibilité et une perméabilité des membranes, qualité indispensable aux échanges entre cellules.
  • Elle est indispensable à la transformation de la sérotonine en mélatonine, et donc favorise un sommeil réparateur.
  • Elle a un effet antidépresseur, surtout chez la personne âgée.
  • La méthylation intervient dans la synthèse des neurotransmetteurs (l’adrénaline, la noradrénaline, la sérotonine).
  • Elle participe à la synthèse du GABA et de l’acétylcholine.
  • La méthylation permet la fabrication du glutathion qui empêche l’oxydation des cellules et est également importante pour la désintoxication des composés électrophiles (métaux).

Au niveau du tube neural

 

L’hyperhomocystéinémie peut favoriser la survenue d’un spina bifida (surtout par manque d’acide folique). 

 

Au niveau gynécologique

 

  • Un excès d’homocystéine peut provoquer des fausses couches à répétition. D’où l’intérêt d’un dosage d’homocystéine pré-conception en vue d’éviter les fausses couches, mais aussi les spina bifida, la fente labiale, les problèmes du tractus urinaire.
  • La méthylation joue également un rôle dans la détoxification des estrogènes. Ces derniers peuvent, au niveau du foie, se laisser transformer en 2-OH-E (2-Méthoxy-Estrogène) ou 4-OH-E ou 16alpha OH-E.
  • Le 2-Methoxy E est un agent puissant anti-cancer (par inhibition de la croissance tumorale par effet anti-mitotique); car cette molécule inhibe l’entrée de glucose au niveau basal et donc affame la cellule cancéreuse et agit aussi sur l’angiogénèse). Le 2-Methoxy E aurait prouvé son potentiel thérapeutique dans les cancers hormono-dépendants, et cette activité angiostatique peut être modulée par la down-régulation de l’expression VEGF. Par contre, si la méthylation n’est pas correcte, la voie «16», très cancérigène, sera favorisée. Un test urinaire réalisé par certains labos existe afin de savoir s’il existe un risque potentiel de développement ou de protection du cancer (test 2-4-16 oestro).

 

Au niveau oncologique

 

Une insuffisance en folate est impliquée dans le développement de différents cancers humains et expérimentaux et des aberrations au sein des régions du gène P53, gardien du génome humain. Le P53 donne la possibilité à la cellule, soit de se restaurer, soit de s’éliminer. Par exemple, une méthylation aberrante de la cytosine du promoteur BRCA1 est directement corrélée à des taux réduits de l’expression du BRCA1 dans les cancers du sein chez la femme, et suggèrent qu’une mise sous silence épigénétique peut être un des mécanismes de l’inactivation transcriptionnelle du BRCA1 dans la carcinogenèse mammaire sporadique. De même, une hypométhylation globale de l’ADN constitue un marqueur précoce de la formation des tumeurs colorectales. 

 

Au niveau hépatique

 

Elle intervient au niveau des enzymes de la phase 2 de la détoxication hépatique (phase où les produits liposolubles sont rendus plus hydrosolubles, en vue d’une élimination intestinale) et au niveau de la détoxication intestinale.

 

Au niveau des prestations sportives

 

  • L’hyperhomocystéinémie perturbe la formation de la L-Carnitine (en effet, la lysine doit subir 3 réactions nécessitant la fixation de groupement méthyl donnés par le SAM). Or on sait que la L-Carnitine intègre les acides gras dans la mitochondrie, phénomène important chez le sportif.
  • De même, elle perturbe la formation de la créatine et du Co Q10 qui interviennent dans la contraction musculaire. De ce fait, la performance mitochondriale est en rapport avec un taux correct d’homocystéine!

 

Au niveau du diabète

 

  • La carnitine est très importante afin de décharger la voie du pyruvate et de donner de l’énergie au corps (via l’intégration des acides gras par la voie de la carnitine), tout en préservant le cerveau qui lui ne se nourrit que de glucose.
  • L’hyperhomocystéinémie aurait un effet négatif sur la rétine du diabétique.
  • Le polymorphisme génétique de l’enzyme 5-MTHFR est aussi un des facteurs intervenant dans la polyneuropathie du diabétique.
  • La B12 active (méthylcobalamine) exerce des effets thérapeutiques sur les douleurs neuropathiques du diabétique probablement via ses actions de neurosynthèse et de neuroprotection. Mais les mécanismes analgésiques de la méthylcobalamine restent évasifs à ce jour. 

 

Au niveau oculaire

 

L’hyperhomocystéinémie augmente le risque de dégénérescence maculaire liée à l'âge. 

 

Au niveau de l’ADN

 

  • La méthylation bloque le promoteur et réprime toute possibilité de transcription du gène (tout gène méthylé ou hyperméthylé ne sera pas utilisable). En clair, une méthylation élevée inhibe l’expression du gène concerné, une déméthylation favorise son expression.
  • La méthylation exerce un rôle «archaïque», car c’est un mécanisme très ancien, utilisé notamment pour inhiber l’expression des génomes étrangers (viral ou bactérien) ayant pénétré dans une cellule. Elle reste, au niveau de l’ADN, le principal mécanisme de régulation de l’épigénétique; elle est également impliquée dans l’empreinte parentale et également dans le maintien des fonctionnalités liées à l’âge des télomères.
  • La méthylation est responsable de: 1) la réparation cellulaire (synthèse des acides nucléiques, production et réparation de l’ADN et de l’ARNm, 2) détoxication et métabolisme des neurotransmetteurs, 3) fonction du système immunitaire (formation et maturation des globules rouges, globules blancs, plaquettes).

 

Rôle du polymorphisme génétique de la 5-MTHFR (5-méthyltétrahydrofolate réductase)

Elle peut être hétérozygote (fonction sous-optimale du MTHFR) ou homozygote (réduction considérable de l’activité MTHFR et déficit marqué en 5-MTHF active). La forme homozygote concerne 10% des caucasiens et des populations asiatiques: elle présente 70% d’activité en moins. Les hétérozygotes représentent environ 40% de la population (cela signifie qu’un gène est normal, l’autre pas). L’activité enzymatique fonctionnera à environ 60% d’efficacité: la transformation de l’homocystéine en méthionine sera donc déficiente, avec risque d’hyperhomocystéinémie.

 

Comment doser l'homocystéine?

 

Un dosage sanguin précis nécessite un tube glycémique (pas sérique car trop d’instabilité), de préférence avec assez de réactif afin de stabiliser le sang prélevé. 

 

Conclusion

 

La méthylation a un impact énorme sur notre capital santé! Le défaut de méthylation est potentiellement associé au vieillissement, aux maladies cardiovasculaires, aux cancers, aux maladies neuropsychiatriques et dégénératives, aux troubles de la détoxification hépatique et intestinale, aux complications du diabète, au syndrome de fatigue chronique, à la fibromyalgie, etc. Lorsque les mutations génétiques sont présentes, la supplémentation en 5-MTHF et méthylcobalamine est recommandée. 
Une méthylation correcte nécessite:
  • du zinc (dosage sanguin supérieur à 110µg/dl est souhaité);
  • de la bétaïne;
  • de la vitamine B12 active (méthylcobalamine);
  • de la vitamine B9 active (folates méthylés MTHF). 
Une supplémentation à base de zinc + d’un complexe B2 - B9 - B12 sera conseillée afin de réguler rapidement cette méthylation. Le fait d’employer des formes actives de B9 et B12 va nous permettre une activité plus ciblée puisque nous ne devons plus activer les formes inactives afin de les rendre efficientes. La forme cyanocobalamine est non active et doit être transformée en hydroxycobalamine, toujours inactive, qui à son tour doit être transformée en méthylcobalamine, la forme active. Dans les cas de dérèglement de la 5-MTHFR, il sera conseillé de donner de fortes doses de B2, B9, B12 afin de «dérouiller» l’enzyme bloquée. Dans ce dernier cas, un dosage bi-annuel sera le bienvenu. Ne perdons pas de vue que la méthylation est également sous l’influence de notre mode de vie, tabac, excès d’alcool, états inflammatoires, troubles de l’absorption intestinale, sans oublier les déficits nutritionnels et micronutritionnels!
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